Ce soir là, mon sommeil fut très léger. Je fis des rêves étranges. J’étais dans un état de somnolence lorsque je ressentis un grand coup dans le ventre. Je me levai en sursaut. J’étais toute en sueur. Quelque chose avait bougé dans mon ventre. Je marchais difficilement vers la salle de bain. Quand j’ai allumé l’ampoule, j’ai failli crier en me voyant dans le miroir. Quelle horreur ! On pouvait bien dire que j’étais passée de 60 à plus de 90 kg.
Je n’avais donc pas rêvé. Tout ce que docteur Sy m’avait dit était donc vrai. Le test de grossesse positif, c’était donc la réalité. J’étais bel et bien enceinte ! Je me mis à pleurer silencieusement. Il ne fallait pas que je réveille mes parents. Je retournai à pas de tortue dans ma chambre. Je m’enfermai jusqu’au matin. Comment allais-je l’annoncer à mes parents ? Voilà l’énigme qu’il fallait résoudre pour l’instant.
Dès que le soleil commença à pointer ses rayons à ma fenêtre, ma mère cogna à ma porte. Elle voulait sûrement savoir si j’allais mieux. Mais, je ne répondis pas. Elle en conclue que je dormais encore et s’en alla au bureau. Même scénario avec mon père qui n’insista pas. Tant mieux car je n’étais pas encore prête à les affronter. Cette journée, je réfléchirai au plan que j’allais adopter.
Je pensais à aller chez l’imam du quartier pour qu’il parle à mes parents. En plus, c’est le père d’Amy, mon amie d’enfance. Il pourrait trouver les mots justes pour que mes parents me pardonnent. Mais non, ma mère n’aime pas étaler nos problèmes sur la place publique. Elle risquerait de mal le prendre. Je pensais également à m’en fuir. J’avais quelques économies, je pourrais survivre pendant quelques mois le temps que les esprits se calment. Mais comment ferais-je au moment d’accoucher ? Non ce n’était pas une bonne idée. Peut être vaudrait mieux pour moi que je mette un terme à ma vie. Me suicider ? Parce que je suis enceinte ? Astra frou laye ! C’est absurde ! Que faire alors ?
Je tentais de répondre à cette question lorsque vers 15 h, j’entendis la voix de mes deux parents ! Que se passait-il ? Pourquoi étaient-ils de retour si tôt ?
– Emilie ! ouvre la porte
Ma mère ne m’appelait ainsi que dans les situations graves ! Mon cœur battait à tout rompre. J’avais peur. Je respirai un grand coup avant d’ouvrir la porte. Aussitôt, je reçu une gifle surprise sur la joue. Un moment d’étourdissement et me voilà à même le sol. C’était ma mère qui s’emportait. Je l’entendais crier sans comprendre. Je voyais mon père la calmer à mon grand étonnement. Lui que je craignais semblait le plus calme ! Je tremblais ! Ma mère se déchainait !
– Qui est le père, petite idiote? Tu me fais honte. Et jusqu’à quand comptais tu nous le cacher ? Heureusement que Docteur Sy nous a tenu informé ! Répond moi, ne fais pas l’innocente!
Et encore une deuxième gifle. Elle commença à me brutaliser malgré mon état. Que pouvais-je dire à ma mère si furieuse ? «Maman, j’ai eu une petite escapade dans un hôtel avec un bel inconnu » ! Non soyons sérieux ! Je préférais mille fois subir sa colère ! Moi-même, j’ai été surprise par cette grossesse ! Je ne savais vraiment pas comment expliquer cette situation. Je demeurais muette comme une carpe !
Elle continuait de crier. Elle me traita de tous les noms. Si ma mère pouvait, elle se serait jetée par la fenêtre. Elle était très en colère. Je ne l’avais jamais vu ainsi ! Mais elle avait raison. Dans la vie, tout est permis, mais tout est-il vraiment utile ? J’étais prête à supporter toutes ses insultes. Je les méritais dignement. Et elle ne se faisait pas prier !
– Autant tu es très intelligente à l’école, autant tu ne réfléchis pas dans la vie. Tu es notre seul enfant, mais cela ne te donnait pas le droit de gâcher de ta vie, honte à toi !
De peu, je crus qu’elle me renierait lorsque mon père s’est décidé à intervenir.
– Arrête maintenant Awa ! regarde comment elle est dans un mauvais état ! Calme-toi, on en reparlera.
Mon père m’aida à me relever. J’avais du mal à me tenir debout ! J’avais la tête qui tournait. Soudain ma mère – encore elle ! – s’exclama :
– Oh mon Dieu ! tu saignes ! Vite allons à l’hôpital, j’appelle docteur Sy !
Heureusement, il y a eu plus de peur que de mal. A 4h30 exactement, j’entendis les cris de ma première fille. A 4h33, la seconde suivait. Elles étaient en pleine forme. J’étais heureuse de les avoir dans mes bras. Elles étaient tellement belles. C’est dommage, que leur père ne puisse pas les connaitre !
Les évènements s’étaient tellement vite passés, je n’avais même pas eu le temps de songer à leurs prénoms. Une chose est sûre, leurs naissances avaient réussit à apaiser les tensions. Le docteur Sy a exigé qu’on me laisse me reposer. Alors pendant deux semaines, aucune discussion sensible n’a eu lieu.
Ce fut l’occasion, de remettre mes idées en place. De retour à la maison, je pris les taureaux par les cornes. J’étais désormais la mère de Katia et Carla, et j’avais envie d’être responsable. J’étais très calme. Je voulais assumer mes erreurs ! J’attendis la tombée de la nuit avant de parler à mes parents sur la terrasse. Je leur expliquai la situation. J’avais fais l’effort d’être le plus honnête possible sans pour autant rentrer dans les détails. Ma mère soupira un grand coup. Mon père restait attentif.
– Papa, maman, je vous demande sincèrement pardon. Je regrette ce que j’ai fait. J’ai été inconsciente et j’en suis profondément désolée.
Mon visage était à présent inondé de larmes. J’étais très sincère…
– Tu sais ma fille, je suis très déçu, arriva à dire mon père
Je me mis à genou en face de lui. En un éclair, je revis le film de toutes ces filles qui ont été reniées par leurs parents parce qu’elles n’ont pas été assez dignes à leurs yeux. Je ne voulais pas rompre ainsi les liens avec mes parents, ils étaient mes dieux sur cette terre, j’avais besoin de leur bénédiction :
– Papa, s’il te plait, ne me renie pas. Je sais que tu es un fervent musulman, mais je t’en prie, pardonne-moi, aie pitié de moi.
– Ma fille, comment peux-tu dire cela ? Comment as-tu pensé un seul instant que je te renierais ? Non, ma fille, jamais je ne te renierais. Et je t’interdis de le penser.
Malgré lui, mon père avait les larmes aux yeux. Il avait été très blessé par mes propos.
– As-tu donc rien compris de tout ce que ta mère et moi t’avons appris de la religion? A quoi servent alors nos prières quotidiennes ?
Mea culpa et Silence total !
– Oui ma fille, je suis musulman et alors ? L’Islam enseigne l’amour et le pardon. Qui suis-je pour te juger ? Tu as toujours été ma fierté. Aujourd’hui, tu as fait une erreur qui me fend énormément le cœur mais tu restes mon enfant, la chair de ma chair. C’est très difficile à supporter en tant que père mais on finira par trouver une solution. Allah nous met à l’épreuve et c’est en toute sérénité et avec la prière que nous arriverons à la surmonter.
J’étais très émue et surtout étonnée par ces propos. Mon père venait de m’enseigner le véritable sens de notre religion. L’islam, c’est d’abord l’amour et le pardon. Intérieurement, je pris la résolution, d’être encore une fervente musulmane et d’avoir un comportement digne.
Quant à ma mère, elle s’attelait à trouver une solution. Elle trouvait injuste de ne pas informer le père. Elle proposa que nous le recherchions. Papa trouvait que c’était une excellente idée. Je ne savais pas trop quelle réponse leur donner. Je ne pouvais pas du jour au lendemain, débarquer chez une personne pour lui dire « Félicitation très cher inconnu, ta jouissance a porté ses fruits ! Tu as maintenant deux nouveaux nés ! Oui, deux pour le prix d’un !»
Etre père, c’est quand même une grande responsabilité. Il fallait que je réfléchisse. Je me trouvais dans une situation très compliquée. Je demandais à mes parents de me laisser le temps de prendre une décision. Ils me firent bien comprendre que le temps passait très vite. Il fallait que j’en profite pendant qu’ils étaient encore influents dans le pays.
Retrouver mon inconnu ne faisait pas parti de mes plans. De toute façon, même si je ne le faisais pas, mes filles le feront quand elles seront grandes ! Les enfants sont tellement ingrats, je m’attends un jour à ce qu’elles m’en veuillent, cherchent leur père et aillent s’installer avec lui.
Alors que faire ? Accepter la proposition de mes parents ou retarder l’échéance ? J’avoue que je n’étais pas prête à affronter un homme qui avait sûrement sa vie. J’avais peut être été une de plus sur son tableau de chasse.
– Maman, c’est un peu délicat, je vais réfléchir s’il te plaît
Je n’avais pas terminé ma phrase lorsque j’entendis mon téléphone sonner. Je reconnu aussitôt la voix. C’était Amy, ma meilleure amie et la fille de l’imam. Elle avait fait 3 ans à Ouagadougou avec moi avant de poursuivre ses études en Espagne. Et aujourd’hui elle travaillait dans une banque de la place. Elle ne savait pas encore ce que je vivais actuellement. J’étais très contente de l’entendre.
– Qu’est ce qu’il y a Emilie ? Je n’ai pas de tes nouvelles depuis plusieurs jours
– Je t’expliquerai ma chérie. C’est une très longue histoire. Si tu veux, je t’invite demain dans le nouveau restaurant de fruit de mer à Biétry. On pourrait ainsi discuter. J’ai tellement de choses à te raconter si tu savais…
– Avec plaisir. Donc ce sera après la levée de corps…
– Quelle levée de corps ?
– Tu n’as pas reçu le mail d’Angie ?
Avec tous ces bouleversements dans ma vie, internet et moi étions en pause café ! Elle m’annonça ainsi que le copain d’Angie, le père de son enfant, était décédé brutalement. Quel drame ! J’étais choquée par cette nouvelle.
– Je n’étais pas au courant, qu’est ce qu’il a eu ?
– Il a dormi vers minuit et il ne sait plus jamais réveillé aussi simplement que cela
– Eh mon Dieu,
– Je t’assure … Demain c’est la levée de corps et ensuite l’enterrement à Williams ville, donc si tu as le temps, passe à la levée de corps
– C’est à quelle heure ?
– 9h à l’église Notre Dame à Treichville.
– Je ferai tout pour être présente. Angie est comme une grande sœur pour nous toutes. Elle aura besoin de notre soutien.
– Tu as raison. Donc on se dit à demain. Prions pour le repos de son âme !
– Amine
Cette nouvelle m’avait bouleversée. Je restai encore sur la terrasse discuter avec mes parents. J’étais triste, trop triste. J’avais du mal à retenir mes larmes. Je ne pleurais pas le copain d’Angie, mais je me rappelais la disparition soudaine de ma pauvre « fille » Farida. Elle, aussi, était décédée récemment. Elle était tellement adorable et pleine de vie. Je n’avais pas digérée sa mort. J’avais toujours mal quand j’y repense. Elle m’avait appelée quelques temps avant qu’elle ne s’en aille auprès d’Allah. Elle se plaignait car elle n’avait plus de mes nouvelles et je lui avais promis de l’appeler plus souvent. Malheureusement, ma négligence me poussa à ne jamais le faire jusqu’à son dernier jour. Oh Farida mon bébé, tu me manques tellement. Je continue de te pleurer. Je ne t’oublierai jamais ! Prie pour nous auprès du Tout Puissant. Tu seras toujours dans mon cœur. Je t’aime et je t’aimerai toujours.
Dieu rappelait à ses côtés de plus en plus de jeunes. C’était inquiétant. Mes parents essayaient de me réconforter par des paroles sages. Et ma mère, devant ma détresse, me proposa de m’accompagner à la levée de corps du copain d’Angie. Ainsi, malgré nous, la discussion de famille avait pris une autre tournure.
A 8h45, la Range rover de ma mère fit son apparition dans l’Eglise Notre Dame de Treichville. Il y avait une foule immense habillée d’un tricot blanc à l’effigie du défunt. Il était difficile de discerner l’image.
Aussitôt le cercueil fut exposé à l’entrée de l’église. Il était ouvert. Il fallait s’incliner devant le corps et saluer les parents. Ma mère et moi avions rejoins Amy dans le rang sans se faire prier. Je vis Angie, assise au côté d’un couple âgé. C’était surement les parents du défunt. Le rang avançait très vite. On s’approcha peu à peu des parents. Le corps était dans un cercueil tout blanc. Les gens pleuraient ici et là, surtout les femmes.
Ce fut notre tour de saluer. Amy fit la première à s’incliner. Ce fut ensuite mon tour. J’avançais lentement. Je regardais la photo exposée. Le visage m’était familier mais bon ! Je saluai les parents et soudain, mes yeux s’attardèrent sur le corps, sur le visage d’ange couché avec un sourire figé. Je devins immobile et glacée. J’étais pétrifiée. J’attrapai ma mère tout en continuant de fixer le visage de l’inconnu. J’ouvris ma bouche mais aucun mot ne sortait. Je sentais le regard de tous poser sur moi. Je regardai encore de plus près le visage endormi ! Oui je le reconnais ! C’est lui, le père de mes enfants, mon inconnu à moi, mon bel inconnu avec qui j’ai eu une histoire intense et furtive au Mercure Hôtel. Non, non, non, c’est impossible. Non, ce n’est pas vrai. Non, c’est une fiction. Oh mon Dieu ! C’est horrible. Non, non, non,…
Tous ces mots dans ma tête m’emportèrent dans un vertige incontrôlable. La chorale qui répétait à l’intérieur de la chapelle m’accompagnait dans ma chute :
J’ai l’assurance de mon salut,
Par la présence du seigneur Jésus,
Son sang m’a lavé, m’a racheté,
Et l’esprit saint m’a régénéré,
C’est mon histoire, c’est là mon chant,
Louez mon sauveur à chaque instant,
C’est mon histoire, c’est là mon chant,
Louez mon sauveur, à chaque instant,…
Cette chanson retentissait de plus belle dans chaque partie de mon corps. Et je m’écroulai comme un sac de ciment devant une foule ébahie et une mère perturbée.
C’était mon histoire, une histoire écrite de mes propres mains. Une histoire qui continue de me laisser sans voix. Comment est ce possible ? Est-ce donc cela la vie ? Tu rencontres une personne aujourd’hui qui bouleverse ta vie et le lendemain tout par en fumée. Comme on le dit, quand tu perds une personne, tu ne retiens que les bons moments passés en sa compagnie. Tel était mon cas. Je ne gardais que de bons souvenirs de mon inconnu, l’unique souvenir d’ailleurs. Je repense à Chris Prentiss qui disait dans son livre Le Zen et l’art d’être heureux, « il faudrait se dire que tout ce qui nous arrive est bien pour nous ». Facile à dire ! C’est bien beau, toutes ses théories ! Mais quand tu es face à une situation comme la mienne, une situation où tout semble t’échapper, comment voir le côté positif des choses ! Comment Katia et Carla, pourront –elles vivre avec une telle histoire ?
Il y a quelques années, j’étais une star ! Je m’amusais comme si le lendemain m’appartenait. Je pensais que la jeunesse était une carrière. Je faisais des projets comme si le dernier mot me revenait. Je me rends compte que le souffle de vie, la santé, la présence des personnes qu’on aime, toutes ces petites choses ne sont pas un dû. C’est la vie qui nous les donne gracieusement. Elle peut nous les enlever à tout moment. Tout ce que nous avons, tout ce que nous faisons, tout ce que nous vivons émane de la vie. Pour nous les musulmans, cette vie, c’est Allah. Quelque soit les péripéties, le dernier mot lui revient.
Je suis désespérée. Je n’ai plus d’espoir. Je me sens tellement impuissante. J’aimerais tellement me battre pour sortir de ce coma et couvrir mes filles de tout l’amour qu’elles méritent. Mais, la peur me retient prisonnière dans cet état stationnaire. Le souvenir de mon bel inconnu m’enchaine dans ce tourbillon de sentiments et de ressentis. La vie m’a tout simplement battu à mon propre jeu. Echec et mat !
Depuis trois mois, je suis à l’hôpital, entre la vie et la mort. Est-ce nécessaire de lutter pour m’en sortir ? Que la volonté d’Allah soit faite.
A suivre
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